Tunisie : « Les seuls ennemis de Chokri Belaïd étaient la pauvreté et la discrimination »

6 Février 2013



Triste jour pour l'opposition en Tunisie. Ce matin de 6 février, les citoyens tunisiens constatent avec horreur que le leader de l'opposition, Chokri Belaïd a été sordidement assassiné à la sortie de son domicile. Retour sur une situation tendue, avec le porte-parole du Parti des Patriotes Démocrates, Jamel Chargui.


Tunisie : « Les seuls ennemis de Chokri Belaïd étaient la pauvreté et la discrimination »
« C'est la première fois depuis 1962 qu'il y a un assassinat politique de cette envergure en Tunisie ».
Pour Jamel Chargui, porte-parole du parti de Chokri Belaïd cela ne fait aucun doute : l’exécution du leader de l'opposition a été programmée par le parti islamique au pouvoir, Ennahdha. « J'en suis plus que persuadé » a-t-il affirmé, rejoignant ainsi les déclarations du frère de la victime faites après le drame. Le porte-parole laisse même deviner que, selon lui, les islamistes d'Ennahdha n'en sont pas à leur coup d'essai lorsqu'il s'agit d'exécuter des opposants au régime en place. « Un homme a même récemment été libéré après avoir assassiné un opposant. Il a alors été qualifié de 'patriote', c'est scandaleux. » Les principaux intéressés par ces propos, les dirigeants du parti Ennahdha, dénoncent quant à eux « un meurtre », voir un « acte de terrorisme » selon le premier ministre Hamadi Jebali.

Au matin du 6 février, Chokri Belaïd a reçu quatre balles, alors qu'il sortait de chez lui, et est décédé quelques minutes plus tard à l'hôpital. L'homme de 48 ans était un farouche opposant aux islamistes au pouvoir, notamment connu pour avoir tenu tête au chef du parti lui-même, Rached Ghannouchi. Figure très médiatisé de son parti alliant plusieurs mouvements de gauche, il se battait « pour un gouvernement d'union nationale, contrairement à Ennahdha qui a élevé les hommes contre les femmes, et participe à une islamisation du pays ». Selon Jamel Chargui, « Chokri a toujours été du côté du peuple. Il a même passé 12 ou 13 ans en prison pour défendre ses idées ». Fidèle à ses idéaux, l'opposant s'est battu toute sa vie « pour la démocratisation de la société et la répartition des richesses. Ses seuls ennemis étaient la pauvreté et la discrimination ».

Des violences politiques

La Tunisie connaît depuis quelques semaines un regain de violence, et des manifestations de plus en plus agitées, mais pour Jamel Chargui « La violence n'a pas cessé depuis qu'Ennahdha est au pouvoir, ils attaquent tout le monde. Mais c'était jusqu'ici très peu médiatisé». Il rappelle que samedi dernier, le parti avait déjà été victime d'une attaque islamique.
Des manifestations très agités ont éclatés après l'annonce de la mort de Chokri Belaïd. Les forces tunisienne auraient lancé des bombes lacrymogènes sur les protestataires qui tentaient de prendre d'assaut le siège de la police à Sidi Bouzid. Du côté parlementaire, l'opposition a déclaré suspendre sa participation à l'assemblée constituante tunisienne, chargée d'élaborer une nouvelle constitution pour le pays. Une « bonne nouvelle » pour Jamel Chargui. « La constitution n'avançait pas, c'était une véritable mascarade, les textes étaient même bourrés de fautes d'orthographe ! ».
La suite pour le Parti des Partriotes Démocrates ? « Continuer, se relever, se défendre, et surtout, continuer le processus démocratique pour le peuple tunisien. Chokri est désormais notre martyre. »

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Jeanne Massé
Rédactrice pour Le Journal International, étudiante en journalisme à l'ISCPA. En savoir plus sur cet auteur